Les chroniques de Sophia Lessard
Découvrez Sophia Lessard
Découvrez qui était Sophia Lessard et ce qu'elle a transmis durant sa vie – bien trop courte – de son expérience en matière de sexualité des enfants et des adolescents (et aussi des adultes), et comment aborder ce vaste sujet avec eux en tant qu'adulte et parent, dans cette interview donnée à l'occasion du Festival du Féminin au Québec.
Et lisez l'hommage à cette grande dame et amie, décédée trop tôt.
Le consentement, dès l'enfance
Donne un beau bec!
Par Sophia Lessard
Quand vous étiez petit, on vous a présenté le grand livre de la bienséance. À l'intérieur, plusieurs sujets s'y retrouvaient: le langage, l'importance du respect des personnes âgées, l'art de savoir manger, celui de savoir boire, le vouvoiement et évidemment l'abc de la politesse. Sous le sceau de la politesse, on vous a probablement appris qu'il était de mise d'embrasser les gens qui arrivent à la maison ou qui en repartent. On vous a dit aussi qu'avant d'aller vous coucher, vous deviez embrasser les convives présents. Certaines fois, vous aviez un réel plaisir à faire le tour de la table pour embrasser tous les amis. A d’autres moments, par contre, vous auriez préféré passer votre tour.}
Un choix, pas une obligation
De même, vous êtes-vous déjà fait dire: «Allez allez, cesse de faire à ta tête et va embrasser grand-maman et grand-papa. Ils vont être tristes si tu ne leur donnes pas un bec avant de te coucher.» ou bien «On s'en va, va donner tes becs»? Parfois, vous étiez ravi de faire la distribution des bisous. D'autres fois, souvent avec ces mêmes gens, vous n’en aviez pas envie. Et là, les choses se corsaient. On ne vous reconnaissait pas le droit d'avoir le choix d'embrasser ou pas. Vous étiez un enfant et deviez vous montrer gentil. Pourtant, ce n'est pas parce que vous n'aimiez pas ces gens que vous ne vouliez pas les embrasser. C'est tout simplement parce que vous n'étiez pas dans cet état-là. Dans la liste des personnes qu'on vous demandait d'embrasser, il y avait souvent les gens formant votre famille, les amis de vos parents, les gens que vous voyiez parfois même pour la première fois, mais il fallait faire belle impression...
Il y avait peut-être aussi ces oncles à la main baladeuse, ces tantes trop collantes ou ces lèvres trop mouillées. Bref, l'instant d'un baiser pouvait être synonyme de plaisir et aussi de dégoût et de résignation. Par habitude et par convention sociale, on en vient à obéir, à se soumettre à la norme, à la règle. Et aujourd'hui encore, quand vient le temps des Fêtes, et particulièrement pour la nouvelle année, vous vous soumettez à la coutume qui dit que vous devez embrasser et souhaiter la bonne année à tous les gens présents à la fête.
En avez-vous le goût? Si oui, c'est fantastique! Sinon, vous permettez-vous, maintenant que vous êtes grand, d'embrasser les gens que vous choisissez? Vous en donnez-vous le droit alors que, dans le passé, on vous l'a refusé? Subissez-vous encore la pression de cette convention sociale? Et vos enfants, est-ce que vous voulez leur léguer cette convention?
Gestes déplacés et abus
Ceci me fait penser à cette jeune fille qui m'avait confié qu'elle détestait le jour de l'An, car elle était obligée d'embrasser tout le monde, y compris son grand-père. Son grand-père qui, en d'autres temps, s'était permis d'avoir la main baladeuse. Depuis, elle avait été capable d'éviter de se retrouver seule près de lui. Néanmoins, le jour de l'An l'obligeait à vivre une proximité qu'elle ne souhaitait pas.
Ceci me rappelle aussi cet homme qui me confiait qu’enfant, il avait une tante tellement collante qu'il était constamment obligé de recevoir ses étreintes envahissantes. Il se rappelle encore du malaise qu'il éprouvait d'avoir la tête emprisonnée entre ses deux gros seins paralysants. Il l'aimait bien, mais aurait voulu simplement lui serrer la main. Ainsi envahi, il faisait sa bonne action pour paraître «bien élevé».
Il y a des jours où vous avez envie d'être très près de vos enfants, des gens que vous aimez. Il y a d'autres jours où, même si vous aimez énormément ces derniers, vous gardez une certaine distance, tout simplement parce que vous êtes ailleurs et ne ressentez pas ce besoin de proximité. Vous avez compris qu'il y a mille et une façons de montrer son affection, son attachement ou son amour. Heureusement, tout ceci ne se confine pas uniquement au baiser!
Le consentement: laisser le choix à l’enfant
À ce titre, au lieu de dire à l'enfant: «Va donner un bec, on part», il est important de proposer à l'enfant: «As-tu le goût de donner un bec sur la joue, un bec soufflé, d'offrir une belle caresse ou tout simplement de dire un beau bonjour avant de partir?».
Loin d'être banal, ce choix transmet à l'enfant qu'il est l'unique propriétaire de son corps. À ce titre, il se doit de se respecter et de se faire respecter. Sans être impoli, il y a plusieurs façons d'arriver à dire bonjour et au revoir. Il comprend aussi qu'il a le privilège de faire entrer dans son intimité les personnes qu'il veut bien y faire entrer.
L'intimité est à l'épanouissement personnel ce que la fierté est à l'estime de soi.
Quand parler de sexualité à vos enfants?
Par Sophia Lessard
Parler avec les enfants de sexualité peut être difficile et particulièrement inconfortable pour certains parents. Une chose est certaine, le moment idéal pour entamer une discussion avec l’enfant n’est pas à l’adolescence. À cet âge, votre enfant a déjà bien établi la perception qu’il a de vous. Il sait si vous êtes une personne de référence en matière de sexualité et s’il peut vous en parler.
Pour que l’éducation sexuelle devienne partie intégrante du développement de l’enfant, il faut admettre que ses questions prouvent son intérêt à connaître le monde. Ainsi, la sexualité tiendra sa place dans sa vie et celle-ci sera ni plus ni moins importante que ses autres besoins. Elle sera harmonieuse. En revanche, si elle fait partie des choses interdites, on peut s’attendre à ce qu’elle devienne encore plus excitante, ce qui pourrait entraîner l’enfant à se placer bien involontairement dans des situations inadéquates.
Votre façon de vous comporter et de réagir aux situations transmet des connaissances à vos enfants. Les études démontrent clairement que les enfants qui reçoivent de l’information sexuelle adaptée à leur âge et qui parlent de sexualité avec leurs parents vivent leurs premières relations sexuelles plus tardivement, sont plus sélectifs dans leurs choix de partenaires et utilisent davantage les moyens de contraception.
Parler simplement de sexualité avec votre enfant est encore la meilleure façon de pouvoir lui communiquer VOS valeurs.
Discuter de sexualité est souvent un évènement ponctuel qui vient de la vie quotidienne.
Etre concret
Les enfants sont concrets. Répondez donc le plus concrètement possible à leurs questions. L’utilisation d’un livre imagé est utile lorsqu’on veut parler des différentes parties du corps, de la naissance, des différences entre les garçons et les filles… Cela les aide à trouver les mots justes.
Inutile de prendre de grands détours. Dites les choses simplement. «Clitoris», «testicules» et «utérus» ne sont pas des mots plus difficiles ni plus laids que les mots «tyrannosaure» ou «crotte de nez»!
N’essayez pas d’avoir la réponse parfaite. Essayez de limiter votre réponse à trois phrases. Votre enfant reviendra un peu plus tard vous poser une autre question en fonction de ses besoins.
Petits trucs
- Évitez de parler des parties génitales de votre enfant en les qualifiant de «petit» ou «gros» (petit pénis, grosses fesses). La perception que l’enfant porte sur son corps est directement en lien avec la façon dont vous lui en parlez.
- Evitez de transmettre la malpropreté des organes génitaux.
Retourner la question à l'enfant
Un petit truc: avant de répondre à une question, retournez celle-ci à l’enfant. Cela vous permettra de savoir où il en est. Vous pourrez ainsi rectifier ses fausses croyances et être plus précis dans votre réponse.
Servez-vous de livres qui ont été conçus pour répondre à ses questions.