Vulve - Actualité
Recherche : non, la vulve « normale » n’existe pas !
08/07/2018 – C’est à l’Hôpital cantonal de Lucerne (CH) qu’a été menée la plus large étude de vulves du monde. Entre août 2015 et avril 2017, une équipe de cinq médecins a mesuré les détails de l’anatomie génitale de 657 femmes. Leurs résultats, démontrant ce dont on se doutait, viennent de paraître. En espérant que cela mettra un frein au marché de la chirurgie "esthétique" des vulves, avec des interventions fréquentes sur de très jeunes filles.
Les conclusions des chercheurs, publiées dans le journal Obstetrics & Gynaecology (1), sont sans appel: la vulve "normale" n'existe pas. L'étude menée sous la direction du Pr Andreas Günthert à l’Hôpital cantonal de Lucerne, en Suisse, incluant 657 femmes caucasiennes âgées de 15 à 84 ans, a démontré l'impossibilité de fixer une norme quelconque.
Sus au marché de la chirurgie intime
Face à l’engouement et à la croissance du nombre de labiaplasties, opérations «esthétiques » des lèvres intimes féminines (raccourcissements ou remodelages), les cinq chercheurs avaient pour objectif de vérifier s’il existait véritablement une forme et des mensurations normales, idéales de la vulve, et s'il était possible de fixer des standards indicatifs pour cette chirurgie.
Dès l’âge de 9 ans…
L’essor de ce type d'interventions est en effet inquiétant : entre 2015 et 2016, la Société internationale de chirurgie plastique esthétique a ainsi enregistré un bond de 45% !) des labiaplasties. Certaines interventions sont parfois nécessaires pour le confort quotidien des patients, notamment celles visant à la réduction des lèvres dont la taille peut induire des douleurs. Mais beaucoup trop de ces opérations sont pratiquées bien trop tôt, sachant que ce sont souvent de jeunes filles, se sentant anormales, laides, influencées par la représentation des vulves issue de l’industrie pornographique et des réseaux sociaux, qui souhaitent de telles interventions.
Dans une émission de la chaîne de télévision britannique BBC, la gynécologue Naomi Crouch, membre de la Société britannique de gynécologie pédiatrique et adolescente, et s’occupant d’adolescentes, rapportait qu’en 2015-16, l’agence de Santé publique britannique (National Health Service ) avait enregistré plus de 200 jeunes filles de moins de 18 ans ayant eu une labiaplastie, et que plus de 150 d’entre elles avaient même moins de 15 ans ! Elle a même rencontré des fillettes de 9 ans réclamant une telle intervention, disant haïr leur vulve ! Or, selon la santé publique anglaise, de telles interventions ne devraient pas être faites avant l’âge de 18 ans.
Ignorance sur l’anatomie féminine
Parallèlement, les chercheurs suisses voulaient rendre attentifs et informer les femmes, et les hommes, sur le fait que la vulve – la partie génitale externe – n’est pas identique avec le vagin. Un grand nombre de personnes l’ignorent encore, confondant les deux.
Longueurs et largeurs fort variables
Les résultats détaillés de l’étude démontrent ce que les chercheurs supposaient: les dimensions de la vulve sont d’une variabilité extrême. La longueur des lèvres externes (ou grosses lèvres) variait ainsi entre 1,2 et 18 centimètres. Les lèvres internes (ou petites lèvres) des participantes mesuraient, elles, entre 0,076 et 7,62 centimètres.
L’influence du poids et de l’âge
Il a été constaté également que plus grand était l’indice de masse corporelle (IMC) des participantes, plus volumineuses étaient leurs grandes et petites lèvres. Les chercheurs suisses ont noté également que les dimensions variaient avec l’âge: les petites lèvres ont ainsi tendance à se réduire, de même que la taille du clitoris et la distance qui le sépare de l’orifice urinaire.
Ce qui a été mesuré
Les mesures standardisées ont porté sur la longueur et largeur du gland du clitoris, la distance entre la base du gland et l’orifice urinaire (urètre), la longueur de l’orifice du vagin, la longueur du périnée, la longueur des grandes lèvres, la longueur et la largeur des petites lèvres.
Les résultats de cette étude confirment, en les élargissant, les grandes variations observées en 2005 par quatre gynécologues britanniques de l’University College Hospital de Londres sur un groupe de 50 femmes non ménopausées, note le Pr Günthert, interviewé par la Luzerner Zeitung.
Femmes caucasiennes exclusivement
L’étude a prioritairement porté sur des femmes suisses, de type caucasien, car, comme l’explique le Pr Günthert, des études moins importantes menées en Grande-Bretagne et en Turquie ont donné des résultats très différents. «Au niveau mondial, les différences des vulves devraient être plus grandes encore que celles démontrées par notre étude", conclut le chercheur.
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Quelques graphiques de l'étude, consultables en ligne :
- Longueur et largeur du clitoris par décennie (tranches d’âge) :
- Largeur de l’entrée du vagin et longueur de la grande lèvre (droite) par tranche d’âge
- Longueur de la petite lèvre (gauche) et largeur de la petite lèvre (droite) par décennie (tranches d’âge)
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PROJET D'INFORMATION ET DE PREVENTION
Face à la tendance accrue, notamment chez les adolescentes, de vouloir recourir à la chirurgie intime, est né en Grande-Bretagne The CentreFoldProject, destiné à informer sur les pour et les contre de telles interventions, notamment à l'aide d'une vidéo, relatant l'histoire de trois femmes différentes qui y ont eu recours.
Un film primé notamment comme meilleur film d'animation Scinema, au Festival des films de science (Festival of Science Film), en Australie en juillet 2012.
Une autre vidéo donne parole à des médecins et psychologues au sujet de ces pratiques. Seul B-mol, les films ne sont encore qu'en anglais.
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© Ellen Weigand, www.masexualite.ch
A lire aussi: "V comme Vulve", dans notre Sexo-abécédaire
Sources: Obstetrics & Gynaecology (25.06.18); Luzerner Zeitung (5.07.18), BBC (3.07.18), Le Figaro Santé (4.07.18)
(1) Measurements of a “normal vulva” in women aged 15‐84: A cross‐sectional prospective single centre study, Anne Kreklau, Inês Vaz, Florian Oehme, Fabienne Strub, Ruth Brechbühl, Corina Christmann, Andreas Günthert, Obstetrics & Gynaecology, 25.6.2018, Ddoi: 10.1111/1471‐0528.15387